Crise de la reprise ou reprise de la crise ?

14 février 2022 - 6 minutes read


Si depuis des semaines, nous entendons que la reprise économique est là, il est un secteur dont on parle peu, mis à part dans la presse spécialisée comme ici et qui traverse pourtant une période compliquée : les arts graphiques et en particulier l’impression.

Durant ces 2 années de crise sanitaire, les petites et moyennes entreprises de ce secteur ont fait preuve d’adaptabilité, de souplesse et de résilience pour survivre.
Pour notre part, nous avons passé ces vagues successives grâce à nos clients fidèles et à nos partenaires de longue date. Ces relations de confiance nouées dans la durée nous ont permis de trouver des solutions afin de répondre aux besoins de nos clients, qui se sont montrés, il faut le dire, compréhensifs. Alors que le secteur de l’impression est très impacté par les multiples restrictions sanitaires, notamment celles touchant l’événementiel, nous avons tenu bon en pensant que l’horizon finirait par se dégager à mesure que le Covid-19 desserrerait son étau et que nous pourrions envisager l’avenir sereinement.
Comme si cette crise sanitaire ne suffisait pas, dès le mois d’octobre 2021 des difficultés sérieuses concernant les approvisionnements de matières premières et une flambée des prix de ces dernières se faisaient jour. (lire par exemple l’article de Graphiline sur ce sujet)

Loin de n’être que passagères, ces difficultés d’approvisionnement et les hausses sensibles des matières premières s’intensifient en ce début d’année, rendant périlleuse la situation des petites et moyennes entreprises du secteur.

Alors que des hausses papier sont annoncées désormais chaque jour par les papetiers, de façon unilatérale, sans concertation préalable et y compris sur des commandes déjà passées, nous ne sommes plus, nous, intermédiaires, en mesure d’assurer des contrats au long court. Plus généralement, les augmentations s’appliquant à la livraison du papier et non à la commande, les prix que nous remettons à nos clients aujourd’hui ne seront déjà plus valables demain, et encore moins au moment de la livraison des commandes. Quant aux délais d’approvisionnement, ils ne cessent de s’allonger.

Face à cette situation, alors que nous ne sommes pas capables de leur donner de la visibilité et de répondre à leurs questions, nos relations avec nos clients se tendent.

Si les grands annonceurs peuvent encore, pendant quelques temps, absorber ces hausses en les répercutant sur le client final, la situation est toute autre pour les imprimés non vendus (prospectus, catalogues tarifaires etc…).

D’aucuns me répondront que ce n’est ni la première, ni la dernière crise que connaît notre filière. Pour autant, elle intervient à un moment et dans une conjoncture particuliers, qui pourraient en aggraver ses conséquences.

Après un ralentissement économique marqué, lié au premier confinement, les entreprises repartent à plein et ont besoin de communiquer. Elles ne peuvent continuer à reporter des projets déjà repoussés par la crise sanitaire. Face aux difficultés devenues récurrentes pour faire imprimer leurs supports, il est à craindre que les clients trouvent des solutions alternatives, le plus souvent digitales. Alors que les produits imprimés doivent se battre contre une image erronée de produit polluant, et font déjà régulièrement les frais des engagements « écologiques » des annonceurs, qui leur préfèrent (à tort), des solutions dématérialisées, ils risquent d’avoir encore moins la presse suite à la crise actuelle.

Et, on le sait bien, rien n’est plus difficile que de reconquérir un client qui a changé ses habitudes.

Alors que l’on sentait depuis quelques temps émerger de nouvelles habitudes de la part de nos clients, qui, plus conscients peut-être des enjeux écologiques et de souveraineté, ou tout simplement échaudés par les problèmes liés à la situation en Chine, nous demandaient de rapatrier certaines productions en France ou en Europe, il est fort à parier, et on le sent déjà, que cela n’ait été qu’une parenthèse… Et que l’on revienne aux bonnes vieilles habitudes.

En somme, c’est bien de l’avenir de la filière qu’il s’agit, avec un risque accru de concentration des acteurs, les plus petits, fragilisés, étant absorbés par les gros. Et qui dit moins d’acteurs dit au final un rapport de force en défaveur des clients…

Alors plutôt que d’attendre que la situation se détériore encore plus, ne pourrait-on pas envisager que l’ensemble des acteurs concernés (imprimeurs, papetiers, bureaux de fabrication, agences…) se réunissent sous la houlette des pouvoirs publics, pour trouver des solutions qui rendent pérennes l’avenir de notre secteur ?

Jean-François Glorel
Dirigeant Graphiprint Management